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Un pull d’une belle matière comme celui qu’on aime de nos jours, auquel on s’arrime en bas en haut chaque jour, on en rêve tous, mais à l’époque il faut remplacer belle par piquante sur la photo, la laine a l’air doux, mais ne pas s’y tromper, celle-là gratte.

Et puis les couleurs, les couleurs de ce pull tricoté à la main, oubli de qui l’a tricoté ce beige berk chiné de quelques fibres bleutées et peut-être une pointe de vert couleur layette à un âge où on aspire aux vraies couleurs, vous vous souvenez que la laine dévore, qu’elle n’est pas faite pour vous, pas plus que vous n’êtes faite pour elle, une incongruité, erreur au démarrage, et c’est ainsi, on n’y peut pas grand chose à cet âge-là.

Et à côté vous lorgnez ce beau cashmere d’un rose entre l’indien et le saumon jamais vu ailleurs, tellement séduisant, qui love les formes, surmonté d’un gilet noir col en V à première vue tout à fait raffiné, tricoté en Irlande côté gentleman enseignant sciences po, et même un peu anar, mais qu’est-ce qu’on en sait, et il a le parfum qui va bien, alors on serait tenté de l’attraper quand il traîne sur un lit et on s’en habille.

On croit que ça y est, qu’on a réussi à troquer le vieux pull contre le beau et puis au centième lavage on se rend compte que le pull ne rend plus pareil, qu’il a changé, on ignore la cause, on tente de comprendre, il a pris des formes sur vous, alors ça se voit et puis il se troue de plus en plus souvent, il se troue, il finit par ne plus avoir l’air de rien. On tente encore, on n’y peut mais, on n’abandonne pas, juste qu’on se tient à distance, et puis il fait retour au-dessus de la pile, on en porte d’autres entre temps, on le reprise, on tente de saisir les mailles, de les relever, et ça marche, on a un pull pas trop abîmé, mais toujours cette impression qu’il y a des trous qu’on devrait laisser tomber.

Jusqu’à ce qu’un jour quelqu’un vous dise la vérité, ce pull est un cashmere, ça risque, c’est d’une autre époque, vous accusez le coup et puis dites que nécessaire de ré-emmailler et c’est fait, vous pensez que c’est réussi, que le pull enfin se laisse voir et que ça simplifie les choses. Que vous croyez, parce que ce faisant le pull s’est galvaudé avec ses stickers qu’on met sur les trous, ça cache mais en fait s’avachit, et qu’au lavage ça s’en va, et c’est faux, et vous en avez assez, vous êtes lassée, c’est fini, plus le goût, et là le miracle, vous le retrouvez dans un tiroir tout penaud, on jette en général à la poubelle, mais vous avez l’art de récupérer les vieilles loques, alors vous le gardez comme un vieux chiffon ami, côté pelage noir et côté flanelle, bien utile au ménage que vous faites avec votre fils. Et puis c’est la fin, on le voit partir en lambeaux, et ce qui vous reste est le souvenir d’un beau cashmere qui vous a fait du bon temps et qui, à la fin, malgré toutes les misères, même tout mal foutu, était doux pour vous.

Mots-clés

cashmere

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 17 mai 2018 et dernière modification le mercredi 9 septembre 2015
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