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éponge joyeuse

Pluie

[.]Chacune de ses formes a une allure particulière ; il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d’une masse donnée de vapeur en précipitation.[.]

Lorsque le ressort s’est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la machinerie s’arrête. Alors si le soleil reparaît tout s’efface bientôt, le brillant appareil s’évapore : il a plu.

Le compliment a l’industriel

Sire, votre cerveau peut paraître pauvre, meublé de tables plates, de lumières coniques tirant sur des fils verticaux, de musiques à cribler l’esprit commercial,
mais votre voiture, autour de la terre, promène visiblement Paris, comme un gilet convexe, barré d’un fleuve de platine, où pend la tour Eiffel avec d’autres breloques célèbres,
et lorsque, revenant de vos usines, déposées au creux des campagnes comme autant de merdes puantes,
vous soulevez une tapisserie et pénétrez dans vos salons, plusieurs femmes viennent à vous, vêtues de soie, comme des mouches vertes.

Justification nihiliste de l’art

[.]Je suppose que le but soit l’anéantissement total du monde, de la demeure humaine, des villes et des champs, des montagnes et de la mer.

On leur reproche d’éteindre le feu sacré de la destruction.

Alors, pour tenter d’annihiler leurs efforts, comme on a l’esprit absolu l’on s’en prend à leur « moyen » : on tente de mettre le feu à l’eau, à la mer.

Il faut être plus traître que cela. Il faut savoir trahir même ses propres moyens.

Abandonner le feu qui n’est qu’un instrument brillant, mais contre l’eau inefficace. Entrer benoîtement aux pompiers. Et, sous prétexte de les aider à éteindre quelque feu destructeur, tout détruire sous une catastrophe des eaux. Tout inonder.

Le but d’anéantissement sera atteint, et les pompiers noyés par eux-mêmes.[.]

Le cageot

A mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie.

Agencé de façon qu’au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu’il enferme.

A tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l’éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d’être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, — sur le sort duquel il convient toutefois de ne s’appesantir longuement.

Le sérieux défait

Mesdames et messieurs, l’éclairage est oblique. Si quelqu’un fait des gestes derrière moi qu’on m’avertisse. Je ne suis pas un bouffon.

Mesdames et messieurs : la face des mouches est sérieuse. Cet animal marche et vole à son affaire avec précipitation. Mais il change brusquement ses buts, la suite de son manège est imprévue : on dit que cet insecte est dupe du hasard. Il ne se laisse pas approcher : mais au contraire il vient, et vous touche souvent où il veut ; ou bien, de moins près, il vous pose la face seule qu’il veut. Chassé, il fuit, mais revient mille instants par mille voies se reposer au chasseur. On rit à l’aise. On dit que c’est comique.

En réfléchissant, on peut dire encore que les hommes regardent voler les mouches.[.]

Les façons du regard

[.]Il reconnaîtra aussitôt l’importance de chaque chose et la muette supplication, les muettes instances qu’elles font qu’on les parle, à leur valeur, et pour elles-mêmes,
— en dehors de leur valeur habituelle de signification,
— sans choix et pourtant avec mesure, mais quelle mesure : la leur propre.


extraits de textes de francis ponge

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 16 novembre 2014 et dernière modification le dimanche 16 novembre 2014
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