Ça aurait dû être Honoré Bonnefoy, mon oncle d’Amérique, grand-oncle en fait, mais sa mère, la terrible Gaby, avait dissimulé le courrier qui l’invitait à aller travailler là-bas, alors il se rabattit sur les Salines du Midi, rejoignant la terre de son père.
Me souviens de sa villa moderne dans les marais, puis de sa maison sur le boulevard Intérieur Nord, juste sous les remparts, pour se débarrasser des moustiques, il aimait raconter des histoires, de lui, qu’on venait d’Andalousie, enfin cette branche-là, chassés par La-Catholique, -ai retrouvé les papiers, de Bonafé à Bonnefoy, et l’itinéraire de Clermont l’Hérault à Aigues-Mortes, ai supposé pour Bonafidé une généalogie classique de marranes-, de lui aussi, comment, minaud, il avait vu Œhmichen, que lui prononçait oh, eh, faire ses essais d’hélicostat dans un champ à Valentigney, et comment ça se cassait la figure, et que les petits se gondolaient, non sans y retourner, espérant sans doute qu’il finirait par vraiment s’envoler, cet ancêtre de l’hélicoptère.
Mais mon oncle d’Amérique, en fait, s’appelait Alex, venait de Suisse et travaillait comme ingénieur aéronautique en Californie, et lui expliquait comment on avait éclaté les études et la production de fusées en tous petits processus, partout sur le territoire, dans le but que personne n’en maîtrise la totalité, pour que les secrets de fabrication en soient bien gardés. Qu’est-ce que ça ferait aujourd’hui à l’heure d’internet, qu’on coupe les secrets en quatre.
Mais en attendant les conversations, c’était ça, à la maison, on parlait histoire des juifs d’Europe, technique et organisation, avec les oncles. Drôle de mélange.
chen zhen
galerie Perrottin
crédit photo christine simon
