écrit il y a dix ans, le 7 janvier.
Hier matin, un rêve m’avait soufflé un texte à écrire, je roulais sur la route, et de la montagne, pôle haut du paysage, descendaient des boules rouges, bleues, roses, vertes et blanches, rieuses, bondissantes dans la plaine, d’une nature reconnue, qui venaient me faire la fête, les petites sphères d’un Kugelschreiber, en allemand stylo à billes, un Kugi cinq couleurs, me rappelle que c’était important ce choix de couleurs, qu’en tentant de m’en souvenir en filant au labo, je m’étais dit, j’écrirai ce texte plus tard, et ça m’avait déjà fait ça l’avant-veille, quand j’avais rangé mentalement le grand article sur Marseille que j’avais en préparation, ou encore le lendemain, me souviens quand j’avais fait passer son titre de « Scrapbook : Marseille » à « Crash Book Marseille », était-ce avant ou après avoir remonté la rue François Simon pour entrer par erreur et avec les livreurs au N°2, mais du coup cette belle itinérance dans le labyrinthe de la friche Belle de Mai, traverser jusqu’en bas, même si ça avait fini sur la porte fermée de la billetterie, le rouge de l’huisserie, mais que ça avait en fait ouvert un espace intérieur, une conversation à huis-clos, si je puis dire, qui réveillait l’entretien infini et souterrain, qui m’accompagnait ces jours et ces nuits, et donc hier matin filant au labo, me disais que les textes perdus font les manuscrits retrouvés, qu’ils les nourrissent comme l’humus la terre, et riche de la métaphore entrai dans le ventre noir du théâtre comme en espace irréel, et pourtant on était nombreux, douze et même treize à table, et de temps en temps deux figures discrètes de l’administration arrivaient et nous demandaient, vous voulez qu’on vous mette au courant, et nous on se regardait et on disait : oui, et elles racontaient, deux choreutes qui résumaient à petits mots froids ce qui devait s’être échauffé ailleurs, et alors les textes lus résonnaient autrement, La Grande Négation, je l’ai entendu différemment, avait dit Bruno, faisant retentir le Allah Akbar, et on avait continué avec son texte sur La circulation, et La Société est un Puzzle, qui m’avait remuée aussi.
Une transposition, qu’on était là pour mettre des mots en résistance, et ça résistait, et puis le soir, juste avant de partir, quand on avait sorti les verres, quelqu’un avait dit, qui a apporté cette grande boîte de dattes ?, et quelqu’un avait répondu, je voulais acheter une galette des Rois, et puis j’ai pensé, non, ça le fait pas, surtout dans le contexte, alors j’ai acheté des dattes, et Sarah s’est mise à sourire, pensais à Bibata qui avait pioché dedans juste avant de partir chercher sa fille à l’école, je n’avais pas manqué d’y faire mon tour, parce que les dattes dans ma famille, c’était Noël, un cadeau que ma grand-mère se et nous faisait, que les dattes ça allait avec la collection des contes d’Orient, avec les mosaïques des patios, les dômes couleur cyan, les huiles pour le corps d’Alep, de ce genre de dattes pas écœurantes, presque sèches au toucher, puis plus tard avec le sourire des amis, Salima, Mohamed, Zohr, ça m’a toujours fait ça les dattes, sourire et bienveillance, cet Islam doux et généreux, attentif, l’Islam poète qui nous envole en grands voiles inspirés, ou même de ces beaux textes érotiques qu’on sent nous envelopper de chaleur dans l’hiver, et repartant vers ma base conviviale le soir, me suis dit que nous avions entretenu chacun de notre côté une petite flamme dans ce théâtre d’ombres, la flamme d’un Orient doux en nous.

Messages
1. un peu d’Orient doux en nous, 10 janvier 2015, 10:06, par Dominique Hasselmann
L’Orient rêvé, oui... l’Islam de paix...
Voir en ligne : http://hadominique75.wordpress.com
2. un peu d’orient doux en nous, 11 janvier, 09:51, par Dominique Hasselmann
Beau texte, que j’avais déjà commenté… affaire de date et de dattes ! L’Islam assimilé désormais à l’islamisme par l’extrême droite et ses tenants au pouvoir…
Pourtant leur musique est si belle et leurs dattes si succulentes. ////\\
Voir en ligne : Métronomiques