La ressource des humains est sans limite, c’était au temps où les congélos n’existaient pas, et quand on vivait, pauvres pêcheurs, de la pêche en haute mer, sur une île du Japon, il fallait bien faire quelque chose de ces thons avant qu’ils ne soient avariés, même si on le sait peu le thon garde longtemps sa fraîcheur, qui eut l’idée du protocole, ça s’est perdu dans la nuit des temps, cela n’a pas pu se mettre au point en un jour cette technique de séchage, de fermentation et de fumage du katsuobushi, qui fournit ces longs copeaux ressemblant à ceux d’un crayon de papier presque ininterrompus du hanakatsuo.
L’art et la manière de la préparation du katsuobushi, littéralement « poisson-charbon », tient au génie de champignons microscopiques (Eurotium herbariorum) qui donnent la saveur umami du katsuobushi, due à sa haute teneur en acide inosinique. Ce qu’il faut savoir et ce que la notice wikipedia ne dit pas, c’est comment on obtient ce bloc tout d’une pièce, dur comme un fromage italien délicieusement vieilli, dans lequel passer cette sorte de rabot à l’envers, qui permet de filer les longs rubans décoratifs.
Cela ne s’invente pas, sans doute encore un coup de la serendipity. Un jour on laissa un peu trop longtemps le thon à l’intérieur de la maison, une fine couche de moisi se déposa sur la surface. On le mit alors au soleil pour réduire l’humidité et la moisissure disparut. Et quelqu’un eut l’idée de recommencer, comme ça, pour s’amuser, on enferma à nouveau le thon à l’intérieur du logis, fine couche de moisissure, puis à nouveau au soleil, et peu à peu on s’aperçut que la matière durcissait. Par quelle idée d’un petit génie observateur, eût-on l’idée de répéter le processus durant un an, oui, un an, -parce que le hasard une fois ou deux, pourquoi pas, mais un an durant, c’est de l’obstination-, et de le débiter en ruban, bref, le résultat fut ce condiment, Delikatessen entre toutes, le hanakatsuo (photo ci-dessus), débité en fines lamelles sous l’effet de la chaleur il se met à danser, on en décore les okonomiyaki, ces incomparables galettes à l’igname, si prisées des samouraïs.
Toute la cuisine japonaise tient dans ce contraste entre le bloc durci et la danse légère, ce qu’on apprend ainsi sous ces latitudes, savoir qu’après le moisi, il faut le soleil pour fabriquer la bonite.
Merci à mon ami, Yasuo Nanaumi, l’ex-chef de La maison de l’Amérique latin, du Sept’n, aujourd’hui au Wa-Yzakaya, et à son fils, Ken, de m’avoir expliqué la recette de l’okonomiyaki à l’ebi et le procédé de fabrication des blocs de bonite.
