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sphère

Sphère. Imagine une fresque murale dans la ville, une sphère d’or, et à l’intérieur, tendu vers le ciel, le visage ombré d’un musicien, juste à côté son nom, en graffiti, Monk, l’être qui vit en-dehors du monde, un poète, sa sphère prise dans le halo d’une poursuite, vague signe d’une auréole dans ce monde horizontal.

Sphère, ta première fois, le jazz, à dix ans peut-être, sur l’électrophone de ton père, tourne Pyramid du Modern Jazz Quartet, démarrant au vibraphone, et toi tu voudrais l’imiter, et pourquoi ton xylophone ne fait pas le même son, au premier morceau, tu reconnais le musicien qui l’a inspiré, et sa manière, le jeu des enchâssements, Bach, tu comprends alors que le jazz est malin, s’approprie tout, le combine dans sa boîte noire, dans la zone qu’il a délimitée pour brasser les notes sur ses mystérieuses portées et les emmener dans un monde inconnu, c’est sa force. Et ce seront d’autres sphères, que tu découvriras, Oscar Peterson, Miles Davis, et Louis Armstrong que tu fréquenteras. What a wonderful world. What a wonderful world.

Sphère. Le second prénom du musicien, Thélonious Sphere Monk, sphère, et tu fermes les yeux, ton Monk à toi s’écrit en bleu, blue monk, ton standard favori, entendu avec Charlie Rouse au saxo ténor. La sphère est une « cage d’ascenseur », en train de tomber, tu entends la déconstruction du style, « ces trucs disloqués », Monk boxe le piano avec ses poings fermés, avec Monk, le jazz te secoue, tu apprends que dans ce monde-là, on peut tenter l’improvisation d’un envol, dans ce monde-là, le déséquilibre n’est que provisoire, on le construit en machine imaginaire, suspendue au-dessus du bayou, qui frôle avec alligators et flirte avec aigrettes, et puis c’est l’accostage, car il y a toujours un quai au bout du solo, et c’est cela que dit la séquence, accepte de tituber dans l’inconnu, mais sache primo qu’on fait ça ensemble, secundo, que les solos se relaient l’un à l’autre comme des ricochets à la surface de l’eau, et qu’à la fin ils atteignent l’autre rive. Alors pas grave si on risque la dégringolade, avec Charlie Rouse, c’est un jeu.

Sphère. Un soir, c’est John Coltrane qui joue en bleu tremblant le blue monk avec Monk, le choc des deux génies, le grand jeu des solos, on dit que Monk a fait émerger le style de Coltrane, pourtant ce qui s’est passé ce soir-là, c’est une correspondance à double tranchant, la contamination, ils se cherchent en duel, la partition piano, le saxo qui refuse de s’aligner sur elle, Coltrane mode personnel, dans l’accumulation, les notes vertigineuses, alors le piano triche en ligne d’égo rivale, au jeu du chacun-son-tour, mais à peine un partage, glissando de cinquante-sept au Carnegie Hall, une proximité au bord de l’abîme, des trouvailles en ellipses, la dissonance, comme s’ils s’étaient trouvés en sphère hallucinée.

Sphère. Et tu comprends que là comme ailleurs, les fantômes ne sont jamais loin et qu’il n’y a pas de rez-de-chaussée pour la cage d’ascenseur. Et qu’il n’y a pas de rez-de-chaussée pour la cage d’ascenseur.


mrzyk et moriceau
just an ant walking
galerie air de paris
photo christine simon

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mrzyk et moriceau

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 24 janvier 2015 et dernière modification le mercredi 9 septembre 2015
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