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C’était un temps de téléphone rouge, on hésitait entre dialogue et violence, les coopérations naissaient de toutes parts, des tricontinentales unissaient nos sexes déjà. Nous étirions nos méthodes contemporaines, nos bras, nos jambes, nous osions nous interroger. Echapper au mur, à la grille, à la fermeture du portail.

A l’offre des cylindres de métal aussi, nous allions opposer nos ondes mer-sol, sans eux et plus forts que la mort, nos désirs propulseraient les énergies vitales, nous allions vivre, libres enfin.

I have a dream. Le rêve d’un seul.

« Seul. Qui dit : seul ? » Guillevic nous ouvrait sa Sphère.

« Celui qui s’en va seul porte avec lui les autres. »

A l’autre bout d’un océan, le pasteur citait le prophète.

« Je fais un rêve, qu’un jour, chaque vallée s’élèvera, chaque colline et montagne sera aplanie, les endroits rugueux seront lissés et les endroits tortueux seront rendus droits. »

We are not satisfied and we will not be satisfied until justice rolls down like waters and righteousness like a mighty stream.

« Nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits jusqu’au jour où la justice se déversera comme un torrent, et la droiture comme un fleuve puissant. » disait le pasteur citant le prophète.

C’était l’espérance des Trente, un climax, un rouge flamboyant au-dessus de la ville blanche, on irait tous ensemble.

Le mur portait en besace ses Germany latentes.

Au prince jeune, la belle au bois rêvant, ouvrirait grand les jambes. « Nous n’avons jamais eu besoin d’ériger un mur pour empêcher notre peuple de s’enfuir ». La barrière béante, enfin, puis sur la route, sous ce soleil tapant, un corps s’effondrerait, de ce trop de chaleur échauffant les esprits, la ville écrasée sous le dard éclatant d’un son mat.

Dans l’arrière-boutique, la maison, les rideaux jouaient la pudeur, « on ne se montre pas, c’est ainsi ». Le pistolet se cachait. Prie ta vieille prière, Winnie, disait Willie. Ah, les beaux jours de Bettina endimanchée. On tirait ses journées, pas de win en perspective.

« Seul. Qui dit : seul ? »

« Désespère pour eux

D’espérer avec eux. »

Dans cette ville ruche, nous n’aurions pas pris le temps des saveurs de cerises, le bât qui blesse, le battant des portes, qui s’ouvrent et qui se ferment, le travail nous aurait vaincu, tripalium. Sartre depuis son dixième étage aurait observé son cimetière : « on dirait une petite ville ». Est-ce ainsi que les hommes, tous ivres ?

C’était un temps d’espérance. La barrière avait ce bleu pâle qui annonçait toutes les paix et la jeunesse aussi. Statistiques de la direction du personnel du Centre Peugeot de Sochaux : « Quatre ouvriers sur cinq sont sous la barre des quarante-quatre ans. Soixante-deux pour cent des salariés ont moins de trente-cinq ans ». L’âge de monter les barrières et de les détruire aussi. Mais eux ne pensaient qu’à bâtir, la ville n’allait que dans un sens, la pente des travaux et des jours.

France-Football avait titré : « A Marcel Saupin, Nantes bat Sochaux 2-0, et monte en D1 ». Et quand sera venu le temps de quitter, nous aurons salué, bien bas. La révérence.

I want to hold your hand, chantaient les Beatles, la barrière en savait le rythme secouée du corps qui se secouait, hurlant à la rue hystérique, les mots parlaient de bleu, d’être, de bleu-être.

Haie, oh. De tous ces territoires qui fractionnaient l’espace, nous préférions l’éparpillement de quelques bosquets, un plan de laurier-rose, rien de la clôture.

La barrière comme écran, là où se projetait l’effeuillage d’une ville plate, le ciel qui la bordait de toutes parts, le chapiteau et le champ à perte d’haleine. Nous en avions la vision, elle se réaliserait.

Polemos, la guerre, avait rendu les armes. Dans la ville, grège de pierre de tuffeau, le fragon faux houx avait perdu ses piquants, ses petites fleurs verdâtres avaient surgi en baies rouges, étincelles de lèvres sur soi. Au marché des Lices, la fragonette n’avait cure que de cuisine, que de cette lente préparation des ustensiles avant la cuisson, on y pouvait la réduction au gingembre, l’arc-en-ciel des poivrons, et le lait de coco, juste avant la coriandre. Annonce déjà du simple goût de vivre.

La ville plate nous attendait, nous y rouler sur le bitume blanc. Tourneboulée de nos corps échappant aux chemins barrés.

archive anthropia # blog
publiée en juillet 2013

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 9 février 2025 et dernière modification le lundi 28 septembre 2015
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