Le monde est élastique, on ne parle pas ici du saut à l’élastique qu’on l’aurait vu tenter dans le Vercors, son lien au pont, tête-à-tête avec soi, même si tiers photographe, mais de l’élastique de deux enfants qui tirent chacun leur tour, rien de trop symétrique, pas d’automatismes, parfois du temps qui passe, parfois trop d’un côté, on ne compte pas ; seule certitude, le jeu ne se prolonge que dans le vivant de l’élastique, cette onde qui se communique dans l’entre-deux, sonore, sinusoïdale, dans le tremblement de l’air, physique, rien de magique, le présent organique de la réalité-caoutchouc.
Ça transmet toutes sortes d’intentions, l’élastique, l’amitié, l’amour, le voisinage ou la simple relation d’une fois un jour une seconde. On ne peut pas tricher avec l’élastique, faire semblant de tirer, ou faire tirer par un troisième pour se débarrasser, s’il y a un troisième, c’est qu’il y a un deuxième élastique. Car un élastique n’est pas remplaçable, entre deux enfants, il est unique, chaque enfant en tient autant qu’il connaît de gens, shiva relationnelle, seule limite, le nombre de ses bras, autant que de connus dans son petit monde. Quand il ne répond pas au petit tiraillement, c’est qu’il veut l’élastique asséché, ça que fait l’absence de secousse à l’élastique, un manque d’élasticité, l’élastique ne vit que si l’on s’en sert, mais parfois, on s’en sert pour le pire, le der de der, on tire puis on lâche brusquement. Et l’autre enfant gémit, blessé par l’élastique, seul à le contempler, son pendant inutile.
Alors bien sûr ça repart, il y a d’autres élastiques, le monde est un gigantesque jeu d’élastiques, alors l’enfant le poursuit avec d’autres. Mais celui-là est perdu pour toujours, avec le temps, on se souvient de plus en plus des élastiques morts sans raison.
installation de sheila hicks
palais de tokyo
crédit photo christine simon (iPhone)

Messages
1. le monde est élastique, 17 juin 2015, 07:55, par Dominique Hasselmann
L’élastique fait sa gymnastique sans se lasser (il imite le boomerang en plus léger que la vie).
Voir en ligne : Métronomiques