Deux hommes bien emmitouflés dans leurs manteaux de fourrure sortent de la porte à tambour d’un hôtel, dans un tourist resort, pris dans la banquise, quelque part en Alaska ; ils sont consultants et viennent d’animer un séminaire. Ils fument et discutent tranquillement, quand ils avisent au loin un chasseur, monté sur son snowmobile, dont les patins laissent des traces symétriques sur la glace, il semble danser. A l’arrière du traîneau qu’il tracte, il transporte un renne sanguinolent qu’il vient de tuer. Bonne chasse, bonne journée, en ces semaines d’abattage qui durent de la mi-novembre à la mi-décembre. Mais le danger guette. Tout à coup les deux hommes voient apparaître une meute de loups blancs, les fameux loups arctiques, qui se mettent à poursuivre le chasseur et son scooter. Ils se rapprochent de plus en plus. Le chasseur les a aperçus et tente sans succès d’accélérer, le chariot brinquebalant derrière au risque de verser. Il sort alors un coutelas et donne un coup violent sur le renne, en découpant un steak qu’il jette sur la surface blanche, espérant ainsi détourner les loups de leur course effrénée. Que croyez-vous qu’ils vont faire ? Certains se diront qu’affamés, ils se jetttent sur la viande, en laissant partir le chasseur. Mais c’est une erreur, les loups continuèent leur course de plus belle, car donner pour rien une cuisse de renne leur donne des ailes, les prédateurs sentant la bête entière à leur portée.
Etrange attitude de Tsipras, qui s’est débarrassé, au milieu de la bataille, de son meilleur négociateur, Varoufakis, alors qu’il venait de gagner son référendum et qu’il avait toutes les cartes en main, y compris une bête noire dont il aurait pu jouer, qu’il l’a sacrifié en échange de rien, aucune promesse, aucun gain, un cadeau gratuit. Et, devant ce succès si aisément obtenu, qui laissait augurer une faiblesse de l’autre partie, les loups de l’Eurogroup ont accru leurs exigences et n’ont fait qu’une bouchée du petit Grec.
En repartant, les consultants se promettent d’ajouter l’histoire du chasseur comme étude de cas de leur formation à la négociation. Et toi, écœurée, tu vas ajouter celle de Tsipras, et de ce qu’on peut être démocrate sans pour autant prendre les loups blancs pour des bisounours. Cette leçon vaut bien un steak de renne sans doute.
musée des arts buissonniers
saint-sever-du-moustier (aveyron)

Messages
1. l’histoire du steak de renne, 15 juillet 2015, 19:32, par Dominique Hasselmann
C’est, hélas, ce qu’on appelle la Realpolitik...
Le paradoxe est bien qu’il va devoir s’allier avec la droite s’il veut emporter les suffrages au Parlement. Il aura bu le calice d’ouzo jusqu’à la lie.
Voir en ligne : Métronomiques