Cendrillon donc aujourd’hui, c’est du conte de fée dont je veux parler, parce qu’il faut enfin que cesse le scandale absolu, la fatale erreur qui perdure jusqu’à nos jours, ou plutôt qui se développe à grande allure. L’algue tueuse, le ravageur contre-sens, j’ai nommé la pantoufle de verre.
Si vous tapez, Cendrillon, Conte, sur Internet vous tombez inéluctablement sur cette phrase :
Le prince la suivit, mais il ne put l’attraper ; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre.
Vous vous attendez donc qu’elle se casse en mille morceaux. Manque de chance, la pantoufle de vair n’est pas en verre.
Comme tout un chacun qui s’est intéressé un jour d’un peu près aux contes de fée, je savais que verre s’écrivait en fait vair et que c’était de la fourrure. C’est tout ce que je savais. Mais j’avais un certain avantage si j’en juge par le nombre d’amis étrangers qui ont tous lu cette histoire dans la version traduite qui reproduisait en hébreu, en anglais, etc., le mot VERRE et qui s’étonnaient donc de ce que les Frenchies fassent des chaussures aussi fragiles.
Mais hier, je ne sais comment le sujet est venu sur le tapis, l’expert de la couleur, chez qui je dînais, celui qui a écrit le non moins expert Dictionnaire de la couleur, déjà commenté ici, la référence suprême pour apprendre sur la couleur, la lumière, etc., s’est mis à dévoiler le fin mot de l’histoire.
Vous apprendrez donc que VAIR est un mot qui vient de vairié, qui veut dire chiné. Qu’en l’occurrence la pantoufle de vair est en fourrure chinée de gris et de noir. Que cette fourrure était taillée par les peauciers dans la peau des écureuils, qu’on appelait pour certains petits gris, qui faisait les manteaux les plus précieux, car il fallait en rabouter de nombreuses peaux (mettre bout à bout) pour arriver à réaliser des pièces de grande taille, il en fallait beaucoup de petites mains pour en venir à bout. Disposer d’une pantoufle de vair était donc un luxe.
Mais il est vrai que de nos jours, avec les ligues de défense de la nature, les anti-fur et les autres, raconter que la pantoufle de vair est en fait une pantoufle faite de pauvre petit écureuil, à qui on a fait la peau, cela ne sied pas à une héroïne de conte de fée. Alors, on préfère parler de verre et perdre la graphie rare du mot vair.
Pourtant cela aurait été joli de la garder en vair la pantoufle, d’imaginer que quand on la laisse tomber, elle ne se casse pas en éclats, mais se ramasse comme un doudou que le beau Prince met dans sa poche, qu’il caresse obsessionnellement jusqu’à ce qu’il la retrouve.
Mais une question demeure. Combien faut-il de peaux d’écureuils pour réaliser une pantoufle ? Cette question-là reste pour l’instant sans réponse. Une hypothèse, peut-être que celle de Cendrillon n’en comptait qu’une, étant donnée la petitesse du pied, ce qui rendait unique la personne qui pouvait la chausser.
NB : Les Suisses pour rabouter disent rapondre. (Rapondre. Mettre bout à bout).