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Du plus ancien, le silex, dans l’histoire de l’humanité et dans la mienne, souvenir d’en avoir trouvé un, taillé, dans un trou cubique d’un m2, sur une colline, lieu-dit de la Guitarde, où nous cherchions avec un ami les traces d’un tour mérovingienne, près de ces Monts de Lacaune qui sont mon ADN, la dernière fois que j’en ai vu un, taillé, je veux dire, une recherche millimétrée, à la façon de ces archéologues, qui veulent obtenir une trace vibrante du passé.

Mais depuis, le silex était une pierre assez quelconque dans mon existence, sans utilité particulière, enfin assez pratique pour qui s’intéresse à la chose.

Par curiosité, j’ai voulu trouver la trace de cette pierre ambrée, légèrement marron, dans ma chère encyclopédie, dois-je encore la nommer. Assez curieusement en googlant, j’ai aperçu un article « Du silex au smartphone : pour un kit de survie de l’humanité », un peu ancien, date de 1997, mais qui m’a semblé relevant, comme disent nos amis anglo-saxons, d’un projet à venir, quelque chose qui dit l’espoir d’une refondation, je cite,

« et où tout est donc à réinventer, du silex au smartphone, pris chacun comme les symboles des deux extrémités du développement technologique actuel »,

ce projet, sans doute pour faire face à ce constat inéluctable de Paul Valéry en 1919 :

« nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »

Ne me détournant pas de mon objectif, j’ai poursuivi le mot silex à la lettre S et pour planter le décor, cette introduction :

« S. f. (Gramm.) c’est la dix-neuvieme lettre & la quinzieme consonne de notre alphabet. On la nomme communément esse, qui est un nom féminin ; le systême du bureau typographique, beaucoup plus raisonnable qu’un usage aveugle, la nomme se, s. m. Le signe de la même articulation étoit ou chez les Grecs, & ils l’appelloient sigma ; c’étoit chez les Hébreux, qui lui donnoient le nom de samech. »

Le esse à mon avis est bien le principio et quelque samech pour la rencontre.

« La plus grande affinité de la lettre s est avec la lettre z, telle que nous la prononçons en françois : elles sont produites l’une & l’autre par le même mouvement organique, avec la seule différence du plus ou du moins de force ; s est le signe de l’articulation ou explosion forte ; z est celui de l’articulation ou explosion foible. De-là vient que nous substituons si communément la prononciation du z à celle de s dans les mots qui nous sont communs avec les Latins, chez qui s avoit toujours la prononciation forte : ils disoient mansio, nous disons maizon en écrivant maison ; ils écrivoient miseria, & prononçoient comme nous ferions dans miceria ; nous écrivons d’après eux misere, & nous prononçons mizere. »

Mais pas de misère ici, mon mot s’initialise avec le son s, explosion forte garantie, et non le z, cette tendance du français à affaiblir, comme on le voit dans les deux prononciations côte-à-côte du mot SILESIE qui précède SILEX dans les entrées. L’ai gardé pour la subtilité du son si, et pour quelques particularités que je vous laisse lire :

« SILESIE
(Géogr. mod.) en allemand, Schlesien, contrée d’Allemagne, avec titre de duché, l’un des plus grands de l’Europe. Elle est bornée au nord par le marquisat de Brandebourg & par la Pologne, au midi, par la Moravie & par la Hongrie ; au levant, par la Pologne encore ; & au couchant, par la basse-Lusace & la Bohême.

Sa longueur est d’environ 60 milles germaniques, & sa largeur 20. L’Oder la partage en Silésie orientale, & Silésie occidentale ; ce duché est presque tout environné de montagnes, d’où sortent plusieurs petites rivieres poissonneuses, & qui après avoir fertilisé le pays, se rendent dans l’Oder.

Il y a dans cette contrée plusieurs grosses villes outre Breslaw sa capitale ; entre ces villes, les unes sont remarquables par leur force, les autres par leur beauté ; tout le pays est fertile en blé, en grandes forêts pleines de gibier, & en pâturages, où l’on nourrit plus de bétail qu’en aucun endroit d’Allemagne. On y trouve aussi quelques mines, & l’Oder facilite le commerce de toutes ses denrées.

La Silésie, après avoir été possedée par les Quades & les Sarmates Lechides, resta long-tems unie à la Pologne, en formant une espece de république qui avoit ses privileges particuliers. Elle devint ensuite un fief mouvant de la couronne de Bohème, & a été possédée par la maison d’Autriche depuis l’an 1339, jusqu’en 1740 ; & c’est assurément un des meilleurs pays qu’elle ait eu sous sa domination.

On a recueilli les écrivains de l’histoire de ce pays, Silesiacarum rerum scriptores ; ils forment trois volumes in-fol. publiés à Leipsick en 1729. »

Aime cette Oder qui la partage, cette belle région fertilisée, et aussi qu’après avoir été un fief mouvant de la couronne de Bohême, qu’on ait reconnu en elle l’un des meilleurs pays que la maison d’Autriche ait eu sous sa domination, même si bien sûr elle a appartenu à d’autres Quades et Sarmates. Elle a mené son bonhomme de chemin, cette Silésie, qui n’appartient bien, qu’à qui elle veut, finalement.

On n’aura pas eu l’heur de lire ces écrivains aux trois volumes, on aurait volontiers fait le chemin pour Leipzick pour les découvrir, même si la question demeure, les trouve-t-on en édition, rien n’est moins sûr.

Puis nous voilà à l’os, le cœur de la pierre, je dirais, la pierre de toutes les pierres, emblématique.

« SILEX
S. m. (Hist. nat. Minéral.) ce mot qui est latin, a été adopté par les naturalistes françois, pour désigner en général le caillou ou la pierre à fusil, & particulierement la pierre à fusil noire, qui se trouve par masses informes & détachées dans les couches de la craie. On a déja parlé de plusieurs propriétés de cette pierre à l’article CAILLOU ; l’on y a rapporté différens sentimens sur son origine & sa formation ; cependant on a cru faire plaisir au lecteur en lui mettant ici sous les yeux des observations plus récentes qui ont été faites sur le silex ; elles contribueront à jetter du jour sur la nature de cette pierre importante, dont la terre sert de base à l’agate, au jaspe, au quartz & aux pierres précieuses. Voyez ces différens articles. »

Ne suis même pas allée voir l’entrée pierre à fusil, n’aime pas trop la guerre, ni celle de caillou jugé un peu inférieur, préféré partager ce plaisir du lecteur quant à la poésie des mots, agate, jaspe, quartz et autres pierres précieuses.

Quand même un peu effrayée, par cette pierre qui ne forme jamais de couches suivies ou de bancs, cette versatilité, et le côté noir à l’intérieur de ce silex enveloppé d’une croûte blanche, et sa dureté aussi dans cette craie qui l’entoure.

« Le silex est très-abondamment répandu dans presque toutes les parties de notre globe ; il ne forme jamais de couches suivies ou de bancs, comme la pierre calcaire, les ardoises, &c. mais il se trouve par masses de grandeurs inégales, détachées les unes des autres. C’est surtout dans les couches de craie que l’on rencontre une grande quantité de ces pierres ; elles y sont répandues par masses irrégulieres & de toutes sortes de figures. Ces sortes de silex sont communément noirs à l’intérieur ; à l’extérieur ils sont comme enveloppés d’une croute blanche qui se distingue par sa dureté de la craie qui les environne. »

On se demande, ce « répandu dans presque toutes les parties de notre globe », puis tout se termine bien.

« Le silex ou le caillou ne se dissout point, lorsqu’on y verse de l’acide, malgré cela si un fragment de silex, qui est communément tranchant & d’une couleur noirâtre à l’extérieur, demeure pendant long-tems exposé aux injures de l’air, ses angles tranchans s’émoussent à la longue, & la partie noirâtre se recouvre d’une espece de peau blanche qui à la fin ne laisse plus paroître de noir. Cette expérience prouve d’une maniere incontestable que l’acide de l’air, qui n’est autre chose que l’acide vitriolique, a agi sur cette pierre ; il faut croire que la nature aidée des tems, & sachant donner à cet acide le degré d’activité qui lui est nécessaire, vient à bout de cette dissolution à laquelle le chimiste ne peut parvenir en se servant des acides ordinaires, qui sont des produits de l’art. Dans le liquor silicum on voit qu’il se fait une dissolution de la partie du caillou qui avoit été combinée par la fusion avec le sel alkali fixe. Voyez LIQUOR SILICUM. Ces expériences prouvent que la nature & l’art peuvent venir à bout de dissoudre le silex, & que cette pierre n’est point inattaquable par les dissolvans, comme quelques auteurs l’ont prétendu. »

Ce silex finalement sensible à la nature et à l’art peut dissoudre sa dureté, il n’est pas inattaquable par les dissolvants comme quelques auteurs l’ont prétendu. Sa fluidité et son aspect tendre apparaissent en filigrane dans la définition.

On craint un peu la mollesse. mais c’est de fluidité dont il s’agit.

« Lorsque l’on considere attentivement le caillou, on y trouve des caracteres qui indiquent d’une maniere sensible que cette pierre dans son origine a dû être molle & avoir un degré de fluidité. En effet on trouve souvent dans le sein de la terre des coquilles dans l’intérieur desquelles on rencontre des cailloux de différentes couleurs qui s’y sont moulées au point de prendre parfaitement les empreintes des coquilles les plus petites dans lesquelles le suc pierreux a coulé ; une infinité d’exemples empêchent de douter de cette vérité ; en effet on trouve des échinites ou oursins, des turbinites, &c. qui paroissent entierement changés en silex. C’est aussi de cette maniere qu’ont dû se former les morceaux de bois changés en agates & en cailloux que l’on rencontre souvent en terre ; la matiere lapidifique qui produit le silex, a dû être dans une très-grande fluidité pour s’insinuer & se mouler dans les fibres & canaux déliés, dont le bois est composé. Voyez PETRIFICATION. »

Il ne fallait pas être effrayée, le silex n’est pas celui que vous croyez. Qu’il sache finalement s’insinuer et se mouler dans les fibres et canaux déliés, a de quoi me rassurer, moule-moi, moi, ton échinite, ton oursin, me ferai turbinite si tu le veux bien, dans cette viscosité dont parle la suite.

« Le tissu compacte & serré du silex, ainsi que les mamelons qui se trouvent fréquemment, soit à sa surface, soit à son intérieur, nous conduisent à croire que non-seulement la matiere dont cette pierre s’est formée a été fluide, mais encore qu’elle a été dans un état de viscosité ou d’une espece de gelée. »

« Si la dissolution eût été parfaite, c’est-à-dire si l’eau chargée de la matiere du caillou dissoute, n’eût eu que le point de saturation, l’évaporation eût produit du crystal de roche, c’est-à-dire des colonnes exagones terminées par une pyramide pareillement exagone, figure qui est propre à la matiere silicée, lorsqu’elle est pure. Mais lorsque des substances terreuses ou métalliques sont venues accidentellement se joindre à la dissolution, elles l’ont rendu opaque, colorée & visqueuse, & alors la crystallisation n’a point pû se faire. C’est-là vraisemblablement la raison pourquoi les pierres de la nature du silex, sont opaques ou fort chargées de couleur, forment presque toujours des mamelons ; on en a des exemples dans les agates, les jaspes, & l’on voit que ces pierres ont souvent à leur intérieur des cavités recouvertes de mamelons très durs, & dont la couleur varie en raison des métaux qui ont coloré la matiere, lorsqu’elle étoit fluide ou en dissolution ; au lieu que quelques cailloux ont à leur intérieur des cavités couvertes de crystaux clairs & transparens, qui ont toutes les qualités du crystal de roche. »

In fine, ce silex cache bien son jeu, il n’est que couleur quand on le connaît mieux, même si des substances terreuses ou métalliques ont pu le rendre opaque, même si la cristallisation n’a point pu se faire, elles forment tout de même des mamelons très durs. C’est cette variété de la forme, l’influence de l’environnement, sa matière, qui donnent ce côté fascinant à la chose.

« Toutes ces conjectures prendront beaucoup de vraisemblance, si l’on y joint quelques expériences que M. Swab vient de publier dans le tome XX. des Mémoires de l’académie de Stockholm, année 1758 : le résultat de ces expériences prouve, que les acides agissent sur les verres formés par le mélange de terre calcaire quelconque ou de la chaux, avec de l’argille ou avec du caillou. On sait que ces substances qui seules ne se fondent point, entrent en fusion dès-lors qu’on vient à les mêler. Pour cet effet l’on n’a qu’à pulvériser ce verre, verser par-dessus de l’acide vitriolique, de l’acide nitreux ou de l’acide marin, & mettre le tout en digestion dans un lieu chaud ; dans cette expérience il ne se fait point d’effervescence, malgré cela on trouve que le dissolvant que l’on a employé s’épaissit en vingt-quatre heures, & forme une matiere gélatineuse & transparente comme de l’empoi, qui s’attache au vaisseau, au fond duquel est tombée une portion du verre pulvérisé qui ne s’est point dissoute. »

Savoir que certaines expériences ont ce pouvoir de pulvériser le verre, que mélanger la chaux ou la terre calcaire avec de l’argile les fait entrer en fusion dès lors qu’on vient à les mêler. Que les acides vitrioliques, nitreux ou marin, sans même l’effervescence, amènent la matière à son aspect gélatineux et transparent qui s’attache au vaisseau, est tout simplement enthousiasmant. Et puis cette portion non dissoute qui résiste, qui y résisterait.

« L’acide vitriolique combiné avec de la chaux ou avec une substance calcaire seule produit bien une espece de sel, mais non pas une matiere gélatineuse, comme celle dont il s’agit ici ; pour produire cet effet, il faut que la chaux ou la terre calcaire ait été fondue, c’est-à-dire modifiée & élaborée par sa combinaison avec de l’argille ou avec une pierre de la nature du silex ou du caillou. »

Et voilà notre silex, essentiel dans l’affaire, le mélange.

Ne m’étendrai pas sur « les différentes gelées que M. Swab a obtenues de cette manière », deviennent assez abscons ces matériaux. Mais si on doit résumer, voilà ce qu’il cherchait :

« Les expériences qui précedent ont été faites par M. Swab, dans la vûe de découvrir ; 1°. pourquoi certains verres étoient attaquables par les acides ; il a trouvé que ceux dans la composition desquels on avoit fait entrer de la chaux ou quelque pierre calcaire, étoient toujours dissouts par les acides & formoient de la gelée. 2°. Il a voulu découvrir, si ce ne seroit pas-là la voie dont la nature se serviroit dans le sein de la terre, pour former des silex ou du caillou. Comme cette pierre se trouve communément dans des couches de craie, le célébre M. Linnaeus a été le premier qui ait soupçonné que la craie pouvoit donner naissance au caillou. »

Restons-en là, voilà comment la craie, quelque chose comme de l’écrit sur un grand tableau noir, une matière poreuse qui ne demande que ça, donne naissance au caillou, dans ce mélange au sein de la terre, le silex prend naissance et se développe, en couches irrégulières, mais pourquoi s’en offusquer, la nature est ainsi imprévisible et délicieuse. Et réciproquement, oserait-on ajouter.

Pour finir, appris par inadvertance et en quittant mon encyclopédie, que le silex est aussi le nom donné par la police à ces pierres jetées avec violence dans les vitres passager des autos carjackées, et sur lesquelles on trouve les empreintes digitales des motards, fâcheux oubli pour eux, non au moment où ils lancent chaussés d’un gant, mais au moment où ils ramassent, poètes, dans les friches de villes.

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 11 septembre 2024 et dernière modification le samedi 2 décembre 2017
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