Il faut le suspendre baigné de lumière blanche, ce bâtiment, à cru le matin, dans sa forme rectangulaire, façade à décrochements, fendue des deux vitraux avec lucarne qu’on devine point d’orgue d’un observatoire, il est posé un peu à l’écart des immeubles, repéré dans sa fonction par son nom, La Chaufferie, sise au 10 bis révèle le portail rouge, une image constante de la ville, arrêt fascinatoire de toute balade, quelque chose du Sud, le cubique blanc d’une Crète, ses hauts murs, quelque chose d’incongru aussi, peut-être la voute en cerceaux de métal qui raconte, du ludique, l’entrée d’un studio, d’une cinecitta, et cette mauvaise photo prise trop vite à l’I-phone cèle plus qu’elle ne révèle, c’est un bâtiment de désir, de cette catégorie qu’on cherche dans chaque ville, et tout de suite, la blancheur d’un bâtiment dans Le Mépris, ou ce cinéma isolé, le Lux, dans le film de Philippe Fernandez, Conte Philosophique (la caverne) passent rapidement en écho, un objet de béton qui résiste, le portail rouge qui invite et qui ferme à la fois, on sait s’attendre à la visite d’une boutique obscure, la main sur la poignée, l’élan trouble, mais les fantasmes, les rêves, les images irréelles qui nous attendent, même si dedans part d’ombre, même si dedans mystère, s’engouffrent dans la machinerie du désir, ses pignons, ses moteurs, le syncopé de sa lumière artificielle depuis le projecteur, la pellicule fouettant l’obscurité en bout de bobine, dans l’escalier qui grimpe à la cabine, à la fois le froid de la peur de ce qu’on ignore, et la chaleur, la rougeur qui rougeoie en soi quand on pousse la porte, le tremblement à l’idée de la silhouette frôlant votre bras, des états du visage apparaissant et disparaissant dans le noir, et la convocation à l’œuvre à l’intérieur, la voix dans la chaufferie, jusqu’à la perte au labyrinthe des soies cramoisies.
Et quand on sort, à nouveau l’impression soleil, l’éblouissement, l’éclat qu’on prend dans les yeux, le monde comme il nous change après la découverte.
