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prairie, fleur, et quelques accessoires

25 octobre 2024
dans la peinture soyeuse

prairie, fleur, et quelques accessoires

Elle glisse lente ses mains l’une contre l’autre dans la peinture soyeuse, un peu plus tôt elle l’avait mélangée à l’aide du malaxeur mécanique, elle aime ce bruit du vortex goulu brassant la matière jusqu’à obtenir ce mélange homogène qui se répand en rubans de miel quand on le verse, ses yeux brillent, elle sait peindre comme ça sans manchon, sans rouleau, prendre la couleur dans ses paumes offertes.

La voici à présent qui l’emporte, se tenant sur ses genoux, elle fait ce geste lent de rotation, la surface du produit se ridant sous l’effort mis à le transporter dans ses deux mains, les arêtes de doigts bien adhérentes, malgré tout quelques gouttes coulent sur le sol quand elle s’approche du support étendu qui attend, de la même impatience qu’elle de l’oser, d’être recouvert, brossé, travaillé en passe croisée dans un sens puis dans l’autre, une surface qu’elle caresse peau sur peau, la sienne sur le lin tendre.

L’effet spongieux du liquide quand elle l’appose, au contact le frais fait frissonner, mais la chaleur tout de suite des mains, ce chaud-froid, de l’effleurement qui fait monter le contentement, elle esquisse, d’une arabesque ici, d’un piqué là, les taches d’une corolle aux pétales infinis, qui s’allongent, se courbent aux courbes de la toile, dressant la fleur dans un effet de réel saisissant.

Elle retourne alors aux préparatifs et choisit cette fois un autre pot-matière, dont elle verse la promesse colorée dans un grand bac à taille humaine, elle s’y plonge ventre et seins en avant, s’y roule jusqu’au miroitement de lumière partout présent sur son corps, et dans un body à body qu’elle initie, elle se couche sur l’étendue fleurie et vient en petits aller-retour, que la viscosité entraîne plus loin que le jeu concocté, accomplir le tableau joyeux d’une prairie avec sa fleur, d’une terre avec sa tige, d’un nectar avec son dard.

L’image venue la veille qui fleurit au matin.


banc rouge de Bert Löschner
Crédit photo christine simon

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