Cette femme sur la route n’arpente pas en piétonne le bitume de Harlem, cette femme sur la route ne traverse pas sur une pochette de disque le passage zébré d’Abbey Road, cette femme sur la route ne s’élance pas seule dans le ravin de Grand Canyon, cette femme sur le bas-côté de la route n’exhibe pas ses muscles en changeant sa roue, cric posé, coffre ouvert, cette femme sur la route n’est pas, tendant le pouce, l’autostoppeuse sac au dos au service d’un fantasme, cette femme sur la route n’a rien d’une vagabonde poussant son chariot chargé du nécessaire, cette femme ne hante pas, nuit tombée, la route de la forêt en spectre de dame blanche, cette femme sur la route n’est pas une petite fille, arrachée à l’asphalte dans un crissement de freins, cette femme en Turquie ne parcourt pas les routes dans sa robe de mariée jusqu’à Jérusalem, Pippa Bacca paix à toi, cette femme sur la route ne chante pas l’air du Casta Diva de Bellini, cette femme sur la route n’est pas la Callas, cette femme sur la route ne danse pas un twist effréné sur l’air d’un jukebox du coffee shop voisin, cette femme sur la route ni à genou, ni à plat dos, ni en position de fœtus, aimerait incarner l’image d’une émotion, cette femme sur la route, accroupie, coupée du monde, écrit dans un carnet les figures de femmes, rencontrées sur la route.
Dans le feuilleton Volte-Face d’Anne Savelli, une place pour des textes amis.