Il y a deux ans, j’ai découvert les vases communicants. Fondés par Scriptopolis, le site de Jérôme Denis, et le tiers livre, le site de François Bon, ces échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs sont un rendez-vous littéraire original, le premier vendredi du mois.
A Dominique Hasselmann, qui m’a gentiment proposé de faire un échange, j’ai suggéré le mot « jazz » et même « club de jazz » pour thème. Vous pouvez lire ci-dessous son texte au beau titre qui claque Jazz qui souffle et sur son blog Métronomiques mon Comme dans une cage d’ascenseur. Bonne lecture !
Jazz qui souffle, pousse, prie, crache, éructe ou caresse, embrasse, embrase, s’insinue dans les sinus, étonne les oreilles, vrille ses marteaux ou mailloches dans les encoches de la tête et du corps, martèle les jambes et les pieds, dynamite le cœur et les poumons, fait vaciller les tympans dans son cymbalum aigu, danser les labyrinthes fusionnels, vibrer l’ossature impalpable des gestes immobiles, dériver la barque des sentiments naissants ou éloignés, swinguer les espoirs et les souvenirs, s’étreindre les approches, s’embrasser les bouches dans l’obscurité complice du club, s’envoyer en l’air de couleurs blues, surfer sur les notes d’un piano aux mains de Keith Jarrett, alors l’esprit s’envole, les notes se transforment en oiseaux, le Bird vit toujours, Billie Holiday aussi, leste et young, son chant profond et doux déroule une écharpe de soie, la trompette de Miles Davis coupe la rigidité de l’air de son embouchure-échafaud, le MJQ parsème d’étoiles les soirs nuageux, Paul Desmond dévoile « le côté féminin du monde » (Alain Gerber), Louis Armstrong a montré la voie, les grands orchestres de Duke Ellington et Count Basie sont des semi-remorques traçant les autoroutes américaines à grand renfort de klaxons explosifs, mais ici on emprunte le côté ensoleillé de la rue, elle s’appelle parfois Green Dolphin Street, Eric Dolphy n’est forcément pas loin, John Coltrane marche à pas de géant sous les étoiles de l’Alabama, Thelonius Monk expose ses mystères un par un, Art Farmer aime l’urbain, Art Blakey est malin, Art Tatum virevolte, Archie Shepp escalade le sommet inconnu, Clifford Brown est mort à 26 ans, Carla Bley joue avec ses cheveux soyeux qui caressent les touches, Ella est là, Francis Marmande contredit toute critique de Charles Mingus, Antoine Hervé pilote un dirigeable, Jean-Michel Portal rencontre Mozart, Brandford Marsalis adore son frère, Jan Garbarek parcourt les espaces intérieurs, Pat Metheny possède beaucoup de cordes à son arc, Eric Le Lann livre ses lèvres, Eric Truffaz embarque dans un vaisseau spatial, Yussef Lateef joue les flûtes de l’air, Pharoah Sanders regarde au loin depuis la pointe de la pyramide, la musique zigzague, black and blue, file, folle, s’échappe vers d’autres horizons, saute, tressaute, s’enroule, se love suprême, s’élance, jaillit, orgasmique, jazz & jizz.
texte : dominique hasselmann
photo : christine simon
[sunset (black) - doug aitken
courtesy gallery ny]
Messages
1. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 09:30, par PdB
Ah "se love suprême", quelle trouvaille encore (je vois tu les as pratiquement tous cités , ceux qu’on aime) quel bel échange... La musique, oui...
2. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 14:44, par Dominique Hasselmann
@ PdB : ça tournait un peu au catalogue mais difficile de parler de jazz sans citer quelques noms et ensuite on est entraîné, c’est l’improvisation au fil du clavier...
Voir en ligne : http://hado
3. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 15:02, par Christine Simon
Oui, quelle foison de musiciens et quelle culture, ça sent son vécu. :-)
Bienvenue, je n’ai pas repéré tout de suite votre message sur mon mail, désolée du délai.
4. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 16:43, par giovanni merloni
Louis Armstrong a montré la voie... Thelonius Monk expose ses mystères un par un... j’aime beaucoup cet excursus au rythme du saxophone. Un tourbillon très clair et instructif qui nous invite à abandonner les mots en nous régalant enfin de la bonne musique !
Voir en ligne : http://leportraitinconscient.com
5. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 16:59, par Christine Simon
C’est vrai que Monk est mystérieux.
On sent l’élan dans le texte de Dominique et la musique est bonne.
6. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 18:17, par Dominique Hasselmann
@ Christine Simon : je repense toujours à ce morceau qui demeure ineffaçable de ma mémoire.
Voir en ligne : http://hadominique75.wordpress.com
7. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 18:24, par czottele
Quelle belle phrase, quel souffle, ça swingue aussi je crois ;)
Voir en ligne : http://est-ce-en-ciel
8. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 18:45, par Christine Simon
vais m’écouter ça
9. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 18:50, par Christine Simon
Oui, je connais, et la boucle est bouclée avec le vibraphone
10. jazz qui souffle, 7 novembre 2014, 22:00, par Dominique Hasselmann
@ c.zottele : merci pour votre passage par ici !
Voir en ligne : http://hadominique75.wordpress.com