Le mot cathédrale s’impose tout de suite pour nommer ce vert, comme si la forme constituée des couleurs les englobait de fait dans une couleur unique, c’est le mot camaÏeu qui vient pour la définir,
« peinture monochrome, recourant à un dégradé de valeurs d’une même couleur ou teinte », dit entre autres le dictionnaire,
cette intuition que dans cette palette de verts se cache bien quelque chose d’un monochrome, je file chez Diderot et d’Alembert pour voir ce qu’ils disent du camaïeu,
« Camaïeu se dit encore de tous les tableaux faits de deux couleurs seulement : on dit peindre en camayeu, de beaux camayeux. On les appelle quelquefois tableaux de grisaille, et de clair-obscur »,
comme par magie ce camaïeu renvoie au clair-obscur, j’inscris mon paysage à cette famille de tableaux, ma cathédrale est une grisaille, mais plus étonnant, chez l’encyclopédiste avec camaïeu vient le mot porc-épic,
« PORC-EPIC, ordre du, (Histoire de France) c’est le nom d’un ordre de chevalerie, appelé autrement l’ordre du camail. Il fut institué par Louis duc d’Orléans, fils de Charles V. à la cérémonie du baptême de son fils Charles, l’an 1394. Il était composé de 25 chevaliers, y compris le prince qui en était le chef. Leur habillement consistait en un manteau de velours violet, le chaperon et le mantelet d’hermine, et une chaîne d’or pour collier, de laquelle pendait sur l’estomac un porc-épic de même, avec cette dévise, cominus et eminus, de loin et de près. »,
j’adhère, ce « de loin et de près » me semble en écho avec l’émotion ressentie devant la clairière, je poursuis, et vient le lien qui unit camaïeu au porc-épic,
« Cet ordre fut aussi nommé l’ordre du camail, parce que le duc d’Orléans donnait avec le collier une bague d’or garnie d’un camaieu, ou pierre d’agate, sur laquelle était gravée la figure d’un porc-épic. L’on prétend qu’il prit la figure de cet animal, pour la devise de son ordre, afin de montrer à Jean duc de Bourgogne, qu’il ne manquait ni de courage, ni d’armes pour se défendre. Cet honneur s’accordait quelquefois à des femmes ; car dans une création de chevaliers du 8 Mars 1438, le duc d’Orléans le donna à mademoiselle de Murat, et à la femme du sieur Poton de Saintrailles. Louis XII. le conféra encore à son avénement à la couronne, après quoi il fut aboli. Trévoux. (D.J.) »
Et d’un coup, c’est l’agate qui m’apparaît,
« L’agate est une pierre d’origine volcanique, elle se dépose dans les cavités de la lave, elle peut être rouge, verte, brune, orange, bleue, jaune, claire, blanche laiteuse,opaque, tout dépend de la variété. Ses différentes couleurs sont en fait dues à l’altération des quartz. Son nom provient d’une rivière située en Sicile « Akhates », « C’est une pierre qui donne du courage, elle protège de la négativité et au contraire favorise les pensées positives. L’agate apaise et apporte la confiance en soi, elle développe l’intelligence. Elle aide à la prise d’initiative qu’au discernement de la vérité. Elle développe la mémoire, supprime la colère intérieure, efface les blessures émotionnelles, apporte l’apaisement sur le lieu de travail et remonte le moral. »
On croit pister un porc-épic et c’est le mot agate qui surgit, je décide qu’il y a bien un lien à faire entre mon vert cathédrale et l’agate, quelque chose du courage, protégeant de la négativité, exactement ce sentiment absorbé dans le regard, qui m’a incitée à éterniser l’instant.
Et si même un signe n’est qu’un signe, en pister l’émotion, la nomination intérieure, fait visiter une histoire de couleur et de vocabulaire, qui donne envie de décorer cette cathédrale de l’ordre du Camail.