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me suis coupée, plus rien en pharmacie.

blanc, une affaire pas coton

Me suis coupée, plus rien en pharmacie. C’est toujours dans ces moments-là qu’on se sent personne, une pauvre petite chose, et puis on se durcit, on dit, faut s’accrocher et ça passera. Mais ça pissait le sang.

Et me demande comment ils faisaient au XVIIIème siècle pour se soigner quand ils s’étaient coupés. Recherche donc l’entrée « coton » dans mon Encyclopédie favorite, Diderot et d’Alembertof course (1751 à 1772) :

COTON - sub. m. (Hist. nat. Ornitholog.) petits d’un oiseau de l’Amérique, qu’on appelle diable ou diablotin : il paroît que ce sont les becs-figues du pays. C’est un mets fort délicat. Voyez DIABLE.

Ça commence bien, je ne suis bien sûr pas allée voir DIABLE, ça me suffisait, mon coton n’est pas là.

Puis je descend l’empilement des paragraphes, pas moins de cinquante-deux, quand COTIT ou COTOUAL avant et après n’en comptent qu’un, sans oublier les apparentés en cottonée, cottonner, cotonneux, cotonnier, cottonine ou cottonis, non, ce n’est pas une mince affaire, le coton au XVIIIème.

Alors bien sûr, je trouvela plante, connaissant l’opulence de l’Inde au XVIIème siècle grâce à sa culture-miracle, et comment les Anglais l’en avaient dépossédée pour la mettre à genoux par leurs propres filatures, j’étais sûre de pouvoir coulisser ici définition ; en fait, trouvé un ravissement :

at. bot.) xilon ; genre de plante à fleur monopétale, en forme de cloche, ouverte & découpée, du fond de laquelle s’éleve un tuyau pyramidal, ordinairement chargé d’étamines. Le calice pousse un pistil qui enfile la partie inférieure de la fleur, & le tuyau, & qui devient dans la suite un fruit arrondi, divisé intérieurement en quatre ou cinq loges. Ce fruit s’ouvre par le haut, pour laisser sortir les semences qui sont enveloppées d’une espece de laine propre à être filée, appellée coton du nom de la plante. Tournefort.

Délicate attention, on ajoute même certaines qualités qui méritent toutefois patience.

Le P. du Tertre, le P. Labat, M. Frezier, &c. disent que l’arbuste qui porte le coton s’éleve à la hauteur de huit à neuf piés ; qu’il a l’écorce brune, & que sa feuille est divisée en trois : lorsque sa gousse est mûre & qu’elle commence à se sécher, elle s’ouvre d’elle-même ; alors le coton qui y étoit extrêmement resserré sort, s’étend, & si l’on ne se hâte de le cueillir, le vent en enleve une partie considérable qui se disperse entre les feuilles & les branches de l’arbre, s’y attache & se perd. Il est d’une grande blancheur, & rempli de graines noires de la grosseur du pois, auxquelles il est tellement adhérent, que ce ne seroit pas sans beaucoup de travail & de patience qu’on parviendroit à l’éplucher à la main. Aussi a-t-on imaginé de petits moulins à cet usage, dont nous parlerons ailleurs.

Si seulement.

Mais trêve de tergiversations. Ma recherche historique s’intéresse tout d’abord à l’usage du coton dans la pharmacopée, je poursuis donc ma recherche, passons sur les lieux où on la cultive, Antilles, Sicile, Pouille, Brésil ou dans l’Ile Sainte-Catherine, et sur le fait que

son fruit, sa coque ou gousse se noircit en mûrissant », qu’il y a une « sorte de coton qui rampe comme la vigne qu’on ne soûtiendroit pas sur des échalats », ce qui a retenu mon attention, c’est « qu’on tire de la fleur & de la feuille du cotonnier cuites ensemble sous la braise, une huile rousse & visqueuse propre à la guérison des ulceres ; que l’huile de la graine est un bon cosmétique, &c.

On y vient, on va enfin me dire pour l’usage, la minute médicale.

Et là patatras,

Quoi qu’il en soit de ces propriétés, il est sûr que le coton mis sur les plaies en forme de tente, y occasionne l’inflammation. Leuvenoeck qui a recherché la cause de cet effet au microscope, a trouvé que les fibres du coton avoient deux côtés plats d’où il a conclu qu’elles avoient comme deux tranchans ; que ces tranchans plus fins que les molécules dont les fibres charnues sont composées, plus fermes, & plus roides, divisoient ces molécules, & occasionnoient par cette division l’inflammation.

Je ne m’en remets pas, cette promesse, ces messages, tout un milieu, n’est que ça ?, une arme à deux tranchants, est-ce possible. Et me reviennent ces petites tragédies du quotidien, quand fiers petits soldats nous rentrions en larmes, quand Dieu notre père venait nous tamponner à floques nuageuses, deux siècles après, sortant tout le toutim, faisant son toubib, et je me dis qu’il a fallu attendre le numérique allié à la culture humaniste et encyclopédique pour qu’enfin on mette à horizontalité la position du soignant et du soigné, enfin presque.

Ça ne me dit pas ce qu’ils posaient sur leurs plaies, mais la vérité, ça en soigne au moins une.

M’étant coupé l’index gauche hier en épluchant mon potimarron, je sais je me répète, mais la redondance est la clef de la pédagogie, je vais marcher dans les rues avec l’idée d’un petit détour par chez mon pharmacien, La Pharmacie de la Cité, ça ne s’invente pas, et comme qui dirait l’impression que ce n’est pas pour la vie citoyenne qu’on lui a donné ce nom, en quête donc de coton hydro, hydro, c’est terrible, ce vieux mot remonté de l’enfance qui ne vient plus, dit-on hydrophile ou hydrofuge, inquiète de l’état de mes neurones du matin, mais saut périlleux arrière, un salto, plus facile à dire qu’à faire, et hop la vision de mes doigts mouillés dans la matière spongieuse me fait retrouver illico presto et via la racine grecque cette sensation connue du bon vieux phile, l’ami des jours tranquilles.

Mais là, stop aux souvenirs, on me propose des compresses, des bandes adhésives, le kit d’urgence dans boîte à pharmacie du Lapin, mais pour ça c’est trop tard, j’ai déjà un jour de retard, on m’envoie malgré tout au rayon Tampons et j’ai droit aux lingettes et autres disques démaquillants, tous ces ersatz de la bande, oui c’est ça que je cherche, la bande de coton qu’on déroule à la taille qu’on veut, dont on prélève la bonne mesure selon nécessités, c’est si pratique la rusticité, point n’est besoin de ce formatage sous cellophane ou en sachet papier, le déroulé, comme ça vient.

J’en profite pour prendre de l’alcool, mais là à nouveau il faut s’attendre à tout, on ne trouve que l’alcool modifié, ils n’en font plus apparemment du vieil alcool à 90° qui brûlait ou même tiens du 70%, non, ça frelate, ça frelate, et je ne suis pas née de dernière pluie (qui date de tout à l’heure) pour savoir qu’on perd beaucoup à prendre la copie pour l’original.

Je poursuis mon chemin et tombe sur les commerces, petits, grands, quelle différence si les prix et la qualité se donnent en transparence, mais là je découvre que même cette fois-ci, avec tout ce qu’on sait de cette boutique, moi chalande depuis tant de mois, ni essayagE, ni essayag ne sont possibles pour mon fin vêtement.

Essayag, j’associe bien naturellement cette finale en ag à Azouz, l’ancien ministre de la Ville, et me dis que j’ai de la chance d’habiter une ville où va arriver le nouveau Tramway, la T8 pour ce qui me concerne, le beau gazon vert entre les rails comme à Paris, on va peut-être la gagner notre banlieue, ça aura été long, mais on y arrive enfin.

Et en rentrant, dans mon cocon intérieur, bien réchauffée par mon carré Baudelaire en coton et soie qui s’insinue dans mon cou, je me console d’avoir manqué ce petit chemisier qui mettait si bien le buste en valeur en écoutant une scie sur Youtube.

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 16 septembre 2014 et dernière modification le lundi 14 mars 2016
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