La cheffe, roman d’une cuisinière
Marie Ndiaye
NRF/Gallimard
page 22
------------Elle aurait aimé n’être que cette figure que détachait devant mes yeux l’intense, la froide lumière de novembre à travers les vitres de la voiture, elle aurait aimé que son art s’incarne, puisqu’il le fallait bien, de la manière la plus sobre, la plus stricte comme la plus neutre : un pur visage.
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------------Elle n’avait pas, là, dans cette brillance distante, blafarde, un visage féminin, encore moins, si je peux dire, un visage masculin.
------------Elle était une idée de visage, un emblème de visage qui, dans la clarté matinale impartiale et juste, proclamait : puisque ma cuisine doit être représentée par des traits humains, voici ceux qui en expriment au mieux l’extrême simplicité, voire le dénuement, car ces traits ne sont ni charmeurs ni jolis ni ornés, ils sont au-delà de toute considération de beauté ou de laideur.
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