Suis allée voir l’exposition Hopper, même si si l’impression que la connaissais par coeur (oeuvre pistée déjà aux USA) il y a longtemps, et puis en octobre 2012, le raz de marée dans les médias, plats reportages TV, les clichés habituels.
Tout d’abord, ce que ne montrent pas les médias, c’est la lumière, le contour, les contrastes, la matière de ces œuvres, les « voir en vrai » change tout. Mais surtout, la mise en scène du commissaire d’exposition, qui retrace le parcours artistique d’un homme, par une fausse chronologie, un découpage très parlant par périodes ou plutôt par techniques de travail, était exemplaire.
Il semble que Hopper comme tous les grands artistes a su tirer parti de chaque détour de sa vie. La légèreté et le contraste par son travail d’illustrateur. Le cadre, la rigueur des architectures, par l’apprentissage de la gravure. Le choix des motifs et la lumière par ses déambulations d’aquarelliste. Le cheminement d’un artiste, comment il se crée une grammaire, un traitement, un style, tel est véritablement l’objet de cette exposition.
Avec en ligne de fuite, quelque chose d’une intrigue, dévoilée sur une gravure, Evening wind, que n’avais jamais vu avant, un trou noir, où frissonnent les ailes du désir, comme si Hopper pour tout ça, avait dû payer le prix d’un certain renoncement, entrevision au vent.
Et plutôt que de contempler ad nauseum Nighthawk de Hopper, comme une icône pop, un tableau sidérateur d’imaginaire, un condensé du mythe américain, s’apercevoir que ce tableau n’est pas le fruit du hasard. Peint quand l’artiste a 60 ans (1942), il semble dans l’accrochage et dans l’œuvre, comme un aboutissement provisoire, l’acceptation d’une désillusion, avant que les personnages ne désertent les intérieurs, comme dans Sun in an Empty Room, peint en 1963.
La ville apparue, conquise, sublimée, une pénétration de chaque plan, un instant capté de l’espoir, puis la méditation sur la mort, et cet étrange désespoir qui gagne à le voir désinvestir l’humain et les paysages dans l’image.
Je ressors avec la certitude que ces images apparemment faciles chez Hopper, le sont par un défaut de perception, c’est d’ailleurs le quiproquo de cet événement parisien, faire prendre la surface pour le tout, qu’elles sont en fait le résultat d’une obsession de la fin, la part cachée de l’artiste.
edward hopper evening wind 1921
harris brisbane dick fund
gravure
crédit photo christine simon
article déjà paru sur anthropia # blog, en octobre 2012