Depuis son arrivée, elle observe chaque changement de l’appartement, parce qu’elle sait que l’impression de permanence est trompeuse, à preuve la rivière qui coule sous l’immeuble gonfle en fin d’hiver, on en voit la présence affleurer en surface dans le second parking, elle sait qu’elle creuse son lit, chaque année plus profond, et se demande comment travaillent les fondations qui s’enfoncent dans son sol, noter au jour le jour, pourtant à part une fine strie du plâtre au fond de la cuisine, qu’elle a enduite et repeinte, elle n’a pas constaté de zébrures au plafond, et la seule trace du temps perceptible vient de la poussière qui assombrit la peinture de manière uniforme lui donnant ce qu’on n’appelle pas encore patine, guetter ce moment où la sensation bascule, cet instant où l’on sait que les choses ont changé et qu’il va falloir agir, mais un tel moment existe-t-il, un effet de seuil peut-il être perçu, n’est-il pas plutôt le regard d’après, le coup d’œil à cinq ans qui approche, qui fait qu’elle saura qu’il est l’heure de reprendre de zéro ou de partir.