Ce texte était prévu pour le prochain toboggan poétique, le 2 avril, un cabaret de décontamination poétique à l’Echomusée de La Goutte d’Or, qui répond à l’appel du 26 avril lancé par Bruno Boussagol. Le programme trop copieux ne permettant pas de le passer, le voici sous sa forme de théâtre écrit.
(Voix d’homme) Madame
(Elle) Oui, oui, mon petit, qu’est-ce qu’il y a ?
(Voix d’homme) Madame, nous sommes en alerte, il y a eu une fuite, légère. Il faut calfeutrer vos portes, vos fenêtres et vos bouches d’aération. Avez-vous des bandes adhésives, du mastic, des morceaux de tissu ?
(Elle) Mais qu’est-ce qui se passe ?
(Voix d’homme) Madame, si vous étiez dehors avant cette alerte, vous devez prendre une douche et mettre vos vêtements dans un panier à l’extérieur de la zone de confinement. Vous devez allumer votre radio pour vous tenir au courant.
(Elle) La zone de confinement, tu veux parler de chez moi ?
(Voix d’homme) Madame, vous ne devez pas sortir, pas téléphoner, pas toucher d’objets, pas manger d’aliments contaminés.
(Elle) Pas toucher d’objets, mais quand-même le panier et la douche et mes vêtements et la radio, c’est un peu compliqué, mon petit, ce que tu dis.
(Voix d’homme) Madame, avez-vous pris vos comprimés d’iode ? Si vous n’en avez pas, vous pouvez aller en chercher au site proximal.
(Elle) Tu me fais tourner la tête, tu ne veux pas que je sorte, mais que j’aille chercher les comprimés à la pharmacie, que je ne touche rien, mais comment on pourrait ne rien toucher, quand on vit.
(Voix d’homme) Madame, avez-vous préparé votre équipement, médicaments, papiers d’identité, lampe de poche, nourriture, boisson ? Vous êtes en zone couverte par un plan personnalisé d’intervention.
(Elle) Mais de quoi tu parles, mon petit ? Et qui intervient, qui est personnalisé, un plan que je ne connais pas peut-il être personnalisé, ah moins, que ce ne soit pour toi, fait à ta mesure, ce plan personnalisé qui veut me personnaliser, m’intervenir, me planifier…
(Voix d’homme) Madame, nous sommes passés en code rouge, l’heure n’est plus à la mise à l’abri, veuillez évacuer toutes affaires cessantes.
(Elle) D’abord je dois m’enfermer chez moi, et maintenant je dois évacuer, mais en sortant je vais justement être plongée dans cette invisible menace que tu voulais que j’évite ce matin. Et je vais aller où, moi, c’est ma seule maison, ici. Ton plan, il prévoit quoi pour ma vie d’après ?
(Voix d’homme) Madame, vous devez rassembler vos affaires personnelles, couper le gaz et l’électricité, suivre strictement les consignes, fermer à clé les portes extérieures.
(Elle) Mais, vous ne pouvez pas me forcer, si ? Je ne veux pas partir, j’ai toujours vécu ici, je ne veux pas quitter la région.
(Voix d’homme) Madame, merci de vous diriger avec calme vers le point de rassemblement fixé. Merci de vous diriger avec calme vers le point de rassemblement fixé. Merci de vous diriger avec calme vers le point de rassemblement fixé. Merci de vous diriger avec calme vers le point de rassemblement fixé. Merci de vous diriger avec calme vers le point de rassemblement fixé.
Écrit pour La Voisine
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