Parfois vous sentez la taille de l’île se rétrécir autour de vous, vous voyez qu’elle est encore suffisamment grande, vous en faites le tour, puis vous vous allongez, et l’ombrage des arbres au-dessus de votre tête, le coin de ciel, mais pour combien de temps, comme vous n’êtes inscrite nulle part sur le grand tableau, que le souterrain a été refermé, vous savez que l’île n’en a plus pour longtemps, vient-il un jour où on est délogé, quelqu’un vient vous dire, bougez-vous, l’île ne vous appartient pas, vous avez excédé le temps attribué, elle va disparaître, vous levez la tête, vous voyez ces gens sur les îles tout autour, avec un parasol, un ami, un panier de pique-nique, pas grande, leur île, mais suffisamment, et alors vous vous demandez comment quitter la vôtre, sans bateau, sans avion, sachant nager mais pas sur de si longues distances, et vous restez là, tétanisée, parce que la vraie question est « où aller quand on n’a plus d’île affectée », c’est ce même sentiment d’urgence qui vous rend tout à coup à la nécessité de faire, de bouger, peut-être couper ces palmiers ou ces cocotiers, vous servir des lianes ici de cette forêt plus dense et des feuillages, équarrir les troncs, les lier entre eux, poser les feuilles recouvertes de la sève des arbres, là, le radeau, et vous coller dessus, les courants peut-être vont vous emporter vers une terre abordable, les courants, oui, vous décidez de croire aux courants, et vous vous redressez.